mercredi 14 mars 2012

Choc des civilisations : Merde à Samuel Huntington Serez-vous Sérénissime ou Magnifique ?!


Choc des civilisations : Merde à Samuel Huntington
Serez-vous Sérénissime ou Magnifique ?!

1ère partie

Elle n'a pas respecté l'intelligence ni le goût. C'est sa plus grande faute, la cause initiale de sa bassesse inhumaine. Elle a péri de cette bassesse et cette inhumanité. Et elle nous hérisse encore, toute détruite. C'est que pour toujours, les choses y ont leur destin contraire. La mer y est prisonnière, la lumière menteuse, la lune mercenaire; les oiseaux y marchent sur la terre, les chevaux sur les murs, les hommes sur les eaux; et les dieux nulle part. Les palais y sont construit la tête en bas. Elle demeure pour des siècles le contraire de la logique. Et le seul peuple qui fût capable de bombarder le Parthénon, elle l'a nourri. Elle est l'ennemi de l'esprit..... [Venise]

Les bassesses de Venise par Lucien Fabre 1924




Située dans une lagune au nord-est de l'Italie, Venise est une ville qui fut construite sur les eaux suite aux invasions barbares. Extension de l'empire Byzantin à ses débuts, elle fut la principale porte ouverte d'Europe vers le monde Arabo-islamique et l'Asie, de la chute de l'empire romain jusqu'au règne de Louis XIV.
Mais alors que la Chine inventait le papier, que les musulmans, construisaient les plus belles mosquées du monde, étudiaient l'astronomie, la médecine, traduisaient les principaux auteurs grecs et indiens, seul les épices et la soie, filtrai au travers du commerce méditerranéen monopolisé par Venise.
Pour comprendre le désastre financier actuel, nous nous pencheront sur le fonctionnement du système Vénitien durant le moyen âge. Et verrons en quelle mesure les relations politiques entre occident et orient à cette période lui ont été bénéfique.
Nous verrons donc, en 1ere partie, les caractéristiques du système vénitien. Puis en deuxième
partie quelle fut le résultat de l'interaction entre le système vénitien et la société féodale.









I Les caractéristiques du système vénitien.

A) Venise pendant le moyen âge: un réseau international et cosmopolite.

1) En Europe

La société féodale connait essentiellement deux produits de luxe : Les épices et la soie. Les festins organisés par les aristocrates moyenâgeux foisonnaient de senteurs exotiques telles que le safran, le poivre, le piment. Pour se vêtir, les rois de France, d'Espagne, Saint empereur germanique, Duc de bourgogne arboraient des vêtements de soie.

Production de soie en Chine


Récoltes de poivre en Égypte

Ces produits n’étaient pas créés sur place. En effet, les épices et la soie venaient, après avoir traversé le monde musulman jusqu’à d'Alexandrie ou Trébizonde (au nord de la Turquie), en Europe sur les ports de gènes, Pise, et Venise. Puis, partant des ports de commerce italiens, les commerçants acceptés par le sérail des aristocraties vénitiennes, s'en allaient vendre les biens les plus rares et les plus chères de l'époque aux têtes couronnées d’Europe.

Roi de France, d'Espagne, Saint Empereur Germanique, duc de Bretagne, Bourgogne, etc...Tous étaient friands de soieries confectionnées par les métiers à tisser italiens, de Lucques et Venise. Mais aussi des épices en tout genre venu des ports vénitiens d'Alexandrie, Acre, ou Alep.


Épices utilisée pour les repas des aristocrates nobles du moyen âge vêtu de soie



Foires de champagne

Ces marchandises obtenues à faible prix, puis revendues très chère permirent un enrichissement rapide de familles italiennes qui organisaient de commerce. Les Médicis, les Peruzzi, les Bardis, les Acciaoli, et autres avaient des succursales dans toute l’Europe:

-Les florentins et Siennois se trouvent côte à côte sur les places d’Europe occidentale et rivalisent sur les Foires de Champagne, à Bruges, ou à Londres.

-Les grandes fortunes parisiennes des années 1300 sont celles de Gandoufle D'arcelles (Aguinolfo degli Arceli) et biche et mouche.

« Biche et Mouche comptent parmi les conseillés les plus écouté de Philipe le Bel et en profitent sans vergogne. Ils se réservent les meilleures spéculations. Ils accaparent le monnayage Royal ils prennent la ferme fiscalité des Foires de Champagne. La priorité d'information que confère la familiarité du roi leur offre bien des opportunités dans le commerce de la banque. Leur neveu Tote surnommé le vice-roi de Marigny transforme les relations diplomatiques avec le pape et les villes flamandes en un sordide maquignonnage à l'échelle européenne. »

-Biche et Mouche (albizzo et Musciato de San Gimiano) auprès de Philipe le Bel, Bernardus Teotonicus avec Frédéric Barberousse, les Riccardi avec Edouard 1er, Frescobaldi à bordeau, Gualterotti en Flandre, Dino Rapondi avec le Duc de Bourgogne Philipe le hardi, Médici à Rome, etc. Les banquiers et commerçant lombard et florentin arrivent à entrer en bonnes grâces dans presque toutes les courts d’Europe à l’exception des pays nordique.

Par conséquent, les monarques dépendaient de la richesse financière de familles italiennes qui elle mêmes étaient inféodés au commerce des épices et de la soie, venant se déverser principalement sur le port vénitien du Rialto.






2) Au Levant et en Asie

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes moyenâgeux. Grâce à la coopération des Califes et Sultans Fatimides, Ayyoubides, puis Mamelouks, Venise se trouvait être l'interlocutrice privilégiée des musulmans, avant, pendant, et après les croisades. Elle leur vendait bois, esclaves, laine contre des épices et de la soie.

Venise aimait couvrir les princes et les souverains orientaux de cadeaux somptueux. Il y avait des relations diplomatiques directes. Opérée par le biais de consuls ou bailo parfaitement bilingue.

Ces derniers étaient les ambassadeurs vénitiens dans les différents ports de méditerranée et même jusque dans les courts de Perse, d'Égypte, et de Syrie. Ces hommes faisaient partis des grandes familles vénitiennes et avait les pleins pouvoirs pour représenter Venise. Ils pouvaient signer des traité de commerce, négocier des traité de paix.
Mais surtout, ils servaient d'agents de renseignements et produisaient une quantité importante de rapports sur : les caractéristiques de la région, son histoire, sa géographie, les sentiments du souverain envers Venise, les ressources, l'armée, le commerce l'industrie, etc....


Ambassadeur à Constantinople Doge de Venise face à Mehmet II

Rencontre de courtoisie entre ambassadeur vénitien et sultan mamelouk


Toutes ces informations étaient alors étudiées à Venise, puis soumis au sénat qui orientait ses décisions en conséquence. Ce système de renseignement inventé pour l'orient fût bientôt repris pour l'occident.
Il est important de noter que le monopole du commerce méditerrané reposait sur les échanges avec l’orient. Et que Venise trouvait un plus grand intérêt à être présente dans les courts Orientales qu’occidentale. Ce qui explique qu'elle reléguait ce rôle au florentins et aux Lombards pour l'Europe. Ainsi, d'après le registre d'un notaire vénitien à Alexandrie, Giovanni Campione (à Alexandrie entre 1361 et 1363), bien que les nations marchandes était représentées par des nobles qui traitaient avec plus de cinquante origines différentes : génois, juifs de Candie, Sarrasin, Catalans, etc.

La population majoritaire dans le quartier commercial, à quasiment toujours été composée de Vénitiens. A Alexandrie les relations entre vénitiens et musulmans allaient même jusqu'au mariage. Comme on peut le voir dans Othello de Shakespeare.


Othello et Desdémone à Venise Bellini la prédication

Ce qui pouvait amener les conjoints arabes à obtenir des avantages pour les intérêts de la république maritime.
Les relations vénitiennes avec le monde arabe, ne s’arrêtaient pas là. L'architecture, les objets d'arts étaient d'un grand intérêt pour les vénitiens qui furent de plus en plus inspirés par l'orient. Le palais des doges fut grandement inspiré par des motifs musulmans ainsi que le Campanile qui est une tentative de reproduction du Phare d'Alexandrie.
Les vénitiens, pour assurer leurs relations commerciales et diplomatiques, étaient les seuls «chrétiens" qui s'aventurait à voyager dans le monde Arabe et Mongol. Comme en atteste les voyages de Marco Polo et sa famille chez le Kubilaï Kahn à Beijing.

Pour la petite histoire, en plein âge des ténèbres, Macro Polo envoyé par le pape pour représenter les chrétiens devant le Khan. Traverse toute l'Asie jusqu'à Beijing, où il rencontre le grand Kubilaï Kahn. Le courant passe si bien qu'il se vit confié la responsabilité de l'inspection des finances dans une bonne partie de l'Empire. Il devient même l'ambassadeur du khan en Inde. Et au final, Marco polo terminera sa carrière en tant que gouverneur de la région de yang Tchou sur le delta du fleuve bleu avant de repartir pour Venise où il siègera au conseil des dix.

Dessin de la route de la soie. Marco polo face au Kahn


Voyages des Polos en Asie

B) Indépendance et Religions.

Ainsi, au XIIème siècle grâce à cette ouverture sur le monde, la sphère de relations Vénitienne s'étendait sur l'Europe, le monde Arabe, et sur l'Asie : de Londres à Beijing.
Mais bien que cosmopolite, ce qui est une prouesse pour l'époque, Venise ne se laissait dicter son comportement par personne. Ni les Sultans, ni les Papes, ne réussirent à la soumettre à leurs lois. Car pour les vénitiens Seul Dieu était au-dessus de la loi Vénitienne.

En 800, dans les légendes fondatrices de Venise, on peut trouver le vol du cadavre de Saint Marc à Alexandrie par deux marchands vénitiens. Ceux-ci cachèrent sa dépouille sous des porcs au fond de la cale de leur navire afin que les musulmans n'y aillent pas regarder. Puis vogues vers Venise où saint Marc deviendra le saint patron de la ville maritime.

Cet acte véridique ou fictif, permit à Venise d'acquérir son indépendance vis à vis de Byzance dont elle était une extension depuis la fin de l'empire Romain d'occident.

A Venise, le catholicisme n'est en rien une entrave pour le commerce. Ayant son propre représentant religieux indépendant de Rome et de Byzance, le doge, Venise agit selon ses propres règles.
Ainsi, en 1204 lorsque la 4eme croisade massacre des catholiques pour reprendre un ancien territoire vénitien de Dalmatie, le pape excommunie ceux qui participent à l'entreprise. Mais cela n'ébranle en rien Venise. Plus tard, alors que toutes relations entre musulmans et Chrétiens sont interdites par la papauté, les vénitiens sont le seul à Alexandrie, Damas, etc.... Ils signent même un traité avec les turcs en 1388.
En revanche, c'est Venise qui, lorsqu’elle en a l'occasion, qui impose sa volonté à Rome ou Byzance. Par exemple dans le cas de la 4eme croisade ou le Basileus sera mis en place par les forces latines avec de Venise. 300 ans plus tard lors du conflit entre la ligue de Cambrai et Venise, excommuniée pour l’occasion, le pape Jules II, qui jusque-là était du côté de la ligue, Change de camp et soutient les Vénitiens pour affaiblir les Français. Mais au final ce sont les vénitiens avec l'aide de François 1er qui en 1515 auront le dernier mot sur le pape.
Enfin, à Venise, les vénitiens grâce à leur loi s'assurent de leur domination sur les autres peuples ou minorité. Comme le montre la pièce de Shakespeare le Marchand de Venise, où le juif Shylock se fait totalement ridiculiser, humilier, et déposséder de ses biens par des Oligarques Vénitiens.































C) La conquête de l'hégémonie



1) L'expansion Maritime

Dès le 6ème siècle après Jésus Christ, Venise était un endroit privilégié pour les échanges commerciaux avec Byzance et l'orient, en particulier Alexandrie. En effet, la sécurité qu'apportait sa lagune, créait une protection face au pillage organisé par les hordes de barbares.

Très vite, Venise voit dans son expansion maritime un moyen de s'assurer prospérité, et pouvoir. Elle développe des ports, et une marine puissante. Sous son influence immédiate, la mer Adriatique devient peu à peu le golfe vénitien. Des colonies, et des ports de commerce sont établis sur les côtes de Dalmatie et d’Italie.

Vers 800 Venise fait face aux normands en Sicile. Mais réussit à les vaincre. Dans le même temps, Byzance donne à Venise des droits d'exemption de taxes douanières dans la méditerranée orientale.

Puis, vers 1100, avec les croisades, d'autres villes, Gènes et Pise principalement, viennent perturber son hégémonie. Mais grâce à des arrangements avec le Roi Baudouin II de Jérusalem, des ports de commerce vénitien voient le jour en terre sainte à Haiffa, Ascalon, et Acres. Encore une fois, Venise réussit à récupérer et accroitre son monopole du commerce.

Un siècle plus tard, Lorsque Byzance change totalement de politique en faisant arrêter les vénitiens. Ces derniers saisissent l'opportunité offerte par la 4eme croisade pour envahir Byzance et y établir une colonie. Cette ouverture sur la mer noire lui ouvre aussi les portes de la route de la soie avec le royaume grec de Trébizonde, mais aussi vers la Russie par le royaume de Crimée. Chypre et la Crète, les iles ioniennes, les Cyclades, Naxos, les détroits des Dardanelles deviennent des possessions Vénitiennes permanentes.
Bien qu'elle utilisa la 4ème croisade pour son compte, seul la 5me croisade fut purement une expédition organisé par et pour le compte de Venise. Elle permit de prendre le contrôle de la ville de Zara, un point important du commerce des épices, du poivre en particulier. Il est important de noter cette croisade fait suite à des menaces du Sultan Fatimide d'augmenter les taxes.

Pour Venise, les croisades ne sont qu'un moyen pour envoyer des soldats défendre ses intérêts. Car lorsque les Mamelouks vinrent contester la sérénissime sur les mers, les Vénitiens n'eurent aucun scrupule à faire marcher leur relations auprès des Mongols de Tamerlan, pour que ceux-ci attaque l'empire turque, de la même manière que les croisé le firent en Égypte.


2) Monopole, Empire commercial, et colonial.

Bien que Venise use beaucoup de ses moyens pour maintenir ses transactions commerciales ininterrompues, elle, en contrepartie, s'assurait d'une centralisation totale du commerce.
En Italie, tout le commerce fluvial devait transiter par le port de Venise. L'exportation maritime était exclusivement réservée aux vénitiens, les villes sous domination vénitienne avaient pour obligation d'envoyer leurs marchandises dans la lagune de Venise quel que soit la destination finale. Que ça soit d’Acre vers Byzance, le bateau devait passer par Venise. Aussi, le grand commerce ne se faisait que de vénitien à vénitien les étrangers musulmans, allemands, ou même italien, devait passer nécessairement par des intermédiaires Vénitiens.

La flotte vénitienne assurait la protection des marchandises dans toute la méditerranée. Des groupes de galères de guerre sillonnaient les eaux et escortait les convois importants .Au sommet de son hégémonie, le Dominium di mare investissait 10 millions de ducats dans le commerce. Il obtenait 4 Millions de profits directs, et il possédait 3000 navires, 300 naves, 45 galères.
Galères Vénitiennes
Comme le dit bien Élisabeth Crouzet-Pavan dans son livre Venise triomphante:

« Les vénitiens se sont rendu les maîtres de l'or des Chrétiens parce que l'Europe toute entière, directement ou indirectement, est ravitaillée par Rialto. C'est par la mer, une fois que Venise a retenu les taxes douanières et de quoi garantir ses entrepôts, que les places lointaines au nord (Londres, Southampton, Bruges), au sud (Languedoc, Espagne, Afrique du nord) reçoivent les produits du commerce au loin. Mais des relations privilégié lient aussi les lagunes à un certain nombre de villes dont les marchants par l'intermédiaire de leur commis et représentants opèrent à Rialto. Florence, Milan, Augsbourg, Vienne, Ratisbonne, etc... Les vénitiens sont devenus supérieur à tous et les principes d'une rigide centralisation commerciale ont transformé Rialto en un entrepôt nécessaire à toute l'Europe. »






























D) Un système républicain ??

1) Privilèges héréditaire et appartenance à une caste.

Venise se targuait d'être une République, mais la complexité des lois et la fermeture des organes de décisions, en faisait plus tôt une Oligarchie. Grâce à la loi de la Serrata del consiglio seulement une poignée de 200 familles avait accès au Sénat, au poste de Doge, à la magistrature, et au conseil des Dix. Lesquels avaient un contrôle sur le commerce, les douanes, la marine etc...Ainsi, le commerce méditerranéen était sous la coupe des familles vénitiennes tels que les Zeno, les Corner, les Dandollo, Bernardo, Cavalli, Grimani, Polo, Zorzi, etc....qui se réunissaient tous au sein du Grand conseil (consiglio grande) et choisissaient un Doge pour donner l'impression qu'un monarque présidait la cité. Le privilège est évident, celui qui appartenait à un patriciat des plus fermés dirigeait le système.



2) En politique comme en économie.

Bien que la liberté du commerce semble être le maitre mot des commerçants vénitiens. A Venise, l'économie et la politique ne font qu'un. L'état fait construire les galères, le sénat établit les routes commerciales, vote les budgets pour la marine de guerre, oriente les choix commerciaux. Une forte intervention étatique permet à Venise de maintenir ses monopoles commerciaux et industriels bien au-dessus des autres concurrents.

Les commerçants sont aussi des agents de renseignements qui informent de ce qui se passe. Les archives publiques de la République gardent des tonnes d'informations du monde entier. « Lettre courriers rapports, dépêches, relations comptes rendu écrits et oraux des bailos, consuls, podestat, ambassadeurs, recteurs » qui viennent confirmer ou infirmer les nouvelles qui sont rapporté par les marchands. Ainsi, sur la place du Rialto pour faire fortune il faut avoir les bons amis.







Jean Favier dans son livre de l'or et des épices résume bien le phénomène :

« Pour le banquier qui garde pour lui son information sur les tendances du marché d'Alexandrie ou sur la solvabilité du duc de bourgogne, le groupe est aussi contraignant qu'il lui est nécessaire [...]. Le groupe se révèle par son rôle social : élever une double barrière. Il s’agit de limiter aux seuls membres d'un groupe bien défini le bénéfice des privilèges acquis en commun, mais aussi de limiter la multiplication des ayants droit à ces privilèges. Ce malthusianisme socioprofessionnel conduit à des fermetures, des blocages. »

Un autre exemple de l'amalgame total entre économie et gouvernement est exemplifié par Marco Corner qui, en mariant sa fille au roi de Chypre Jacques III de Lusignan, crée un monopole sur les approvisionnements de coton, de sucre et devient Doge dix ans plus tard.

Avec ce système, « le discours lagunaire nie significativement toute possibilité de déclin. Venise est-il répété, quel que soit les coups qui lui sont porté, fait face et, à la fin triomphe [...].La ville s'exclut du temps et s'immobilise dans la splendeur »... en plein Moyen Age. D'où son surnom de Sérénissime « République »

















II Quelle fût l'interaction entre le système vénitien et le monde féodal ?

Afin de pouvoir analyser l'interaction entre le système Vénitien et le monde féodal, il est important de partir de la relation entre économie réelle et économie financière. L'économie réelle comprend le progrès technologique, son évolution et son impact sur la société. Tandis que l'économie financière comprend les échanges commerciaux et monétaires.

A) L'économie réelle

Pour décrypter l'évolution de l'économie réelle il est nécessaire d'affirmer le principe selon lequel le niveau d'avancement technologique est corrélé avec un certain niveau densité de population (voir potentiel de densité démographique de Lyndon Larouche).
L'avancement ou le recul de l'économie réelle est lui aussi corrélé avec le progrès des arts et des sciences.

Ainsi, selon ces critères, on peut voir que, à la période du moyen âge, suite à un long déclin avant et pendant la chute de l'empire romain, l’Europe à vue sa population réduire de moitié jusqu'au 9ème siècle où le déclin c'est inversé. Du 9ème siècle, au 13ème la population à triplée.


Une des cause de cela vient du fait qu'une mini-renaissance s’opère lors du règne des carolingiens au 9ème siècle (Époque à laquelle certains échanges avait lieu avec le monde arabe).Qui fut suivit par les politiques des capétiens en France.

Cette évolution mène au développement de certaines techniques agricoles comme le défrichement, l’utilisation du cheval de trait et le moulin à eau (inventé au moyen orient). Techniques qui permirent une augmentation des rendements agricoles et une meilleure qualité de production.

Les progrès dans la recherche d'un métal plus solide font que la faux est utilisée pour couper le foin tandis que la faucille est réservée à la moisson. Le collier d'épaules, autorise les bêtes à tirer des charges de plus en plus lourdes. Des ponts en pierre remplacent les ponts en bois. L'utilisation du fumier permet de diminuer les champs en jachère.
D'un autre côté, l'art gothique ce développe et donne des cathédrales tels que celle de Chartres ou Rouen. On voit aussi des idées nouvelles véhiculées par François Pétrarque et Raymond de Lulle.
Le début du XIIIème siècle voit donc une relative stabilité qui permet d'atteindre 75 millions d'habitants en Europe. Mais l’horizon s'annonce sombre.

Population Française
PIB par habitant (US$(1990))
tendance économique
Répartition sectorielle
12 millions en 400

6 millions en 850

16 millions en 1200
20 millions en 1345
12 millions en 1400





18 millions en 1500
450 $


400$ en l'an 1000








770$ en l'an 1500
régression, puis stagnation
prospérité à long terme,
mais régressions fréquentes :
Guerre de Cent Ans
Grande Peste
variations climatiques

principalement agricole


B) Les limites de la croissance

Les limites à la croissance sont multiples, mais on peut distinguer un facteur principal qui est la culture de l'innovation et de la recherche.



Agriculture en terres arides prise de Jérusalem

L'assèchement des marais, les défrichements ont atteint leurs limites, tout comme les rendements agricoles. Les campagnes ne parviennent plus à nourrir la population devenue trop nombreuse. De nouvelles techniques sont donc nécessaires. Mais pour que celle-ci voient le jour, il faut une volonté qui mette en œuvre des politiques de recherche et développement.






Un aspect positif de l'époque est le développement des cathédrales. Fruit des bâtisseurs et des métiers organisés en corporations complété par l'argent donné par l’évêque de la région. Elles permettent de mettre plusieurs corps de métiers en commun et de qualifier un certain nombre d’apprentis.

Mais ces efforts vont être fortement contre balancé par l'attitude du haut clergé vis à vis d'une population qui a de plus en plus de temps pour penser.

En effet, l’Église médiévale doit affronter toute une série de tentatives de contestations de la Foi. A partir du Vème siècle, jusqu'au Xème, l'Europe Chrétienne est alors parcourue de contestations et de revendications qui prennent source d'une piété populaire reprochant à l'église une déviation de plus en plus marquée vis à vis de l'esprit de simplicité qui avait guidé les premiers pas de la chrétienté.

Ces mouvements traduisent surtout une révolte sociale face à la richesse, la dégénérescence, et l'insolence d'un haut clergé qui a oublié les préceptes fondamentaux du christianisme.
Les Papautés de l'époque avaient quelques peu du mal à comprendre les enseignements bibliques. Comme le démontre la débauche et la corruption de certains papes: Léon III, Pascal 1er, Léon IV, etc...
Comportement qui perdurera longtemps puisque même la renaissance italienne n'y vint pas à bout. Les changements venant du haut n'ont donc pas pu voir le jour car ils n'étaient même pas envisagés.

Le danger pour l’Église était considérable car les « hérétiques » pourtant avec eux une remise en cause du socle temporel sur lequel reposent la hiérarchie et le système clérical. Toutes formes de pensée nouvelle quelle porte sur la religion, la philosophie, la médecine etc. est durement réprimandée par le système d'inquisition qui se met en place.



Ce système va être renforcé par la politique des croisades qui visent à faire expier les « infidèles » de leur foi satanique. Tous ceux qui osent remettre en question l'autorité du Pape, se voient refusé le titre d'être humain.
Contrairement à ce que l'on peut penser, la guerre sainte ne sera donc pas seulement menée contre les musulmans mais elle sera aussi menée contre des Chrétiens. Par exemple la croisade qui fut menée contre les albigeois dans le sud de la France. Où comme lorsque le templier eux-mêmes furent tous torturés et forcés d'avouer leur hérésie avant d'être brulé vif.

Massacre des cathares procès en hérésie des templiers

Il est donc évident qu'avec une telle politique, les innovations se firent rares.

En terre sainte, occidentaux et orientaux communiquaient avec leurs boucliers et leurs épées. Chose qui devait surement limiter la compréhension mutuelle. Car bien qu'il y ait eut une proximité entre occidentaux et orientaux en terre Sainte pendant plus de 200 ans, les échanges culturels ont été faibles. Il y avait pourtant cohabitation dans des villes comme Damas ou Jérusalem. Mais l'autre était stigmatisé ou craint. Ce qui limitait grandement le dialogue.

Par conséquent, les échanges furent principalement commerciaux et opéré entre vénitiens et musulmans. Ce qui eut donc pour conséquence d'accroitre l'orientation usurière du système économique Européen.

Pourtant, comme nous allons le voir, des échanges intellectuels dans les sciences, l'art, l'agriculture, auraient largement contribué à accroitre la capacité de la société à dépasser les limites auxquels elle faisait face.





















































C) le potentiel de densité démographique relatif du monde musulman.

1) le génie du monde musulman

En effet, à cette époque, le monde musulman, était la civilisation. L’extension du monde arabo-musulman a mis en contact plusieurs civilisations différentes : l'empire arabe, construit à partir du viiHYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/VIIe_siècle"e siècle, prend le contrôle politique des territoires anciennement hellénisés (Alexandrie d'Égypte par exemple). Les savants musulmans ont donc pu consulter les ouvrages scientifiques de l'Antiquité. Au VIIe siècle, les Arabes détruisent l'empire sassanide et sauvegardent le savoir de l'ancienne Perse.
Les conquérants arabes se sont trouvés en contact avec la civilisation indienne, à l'est. Ils ont aussi rencontré les Chinois pendant le règne du premier abbasside Abû al `Abbâs à la victoire de Talas. Cette victoire a été l'occasion d'acquérir un certain nombre de techniques chinoises dont celle de la fabrication du papier. Le papier a rapidement remplacé le parchemin dans le monde musulman : des manufactures furent créées à Samarcande, Bagdad, Damas et au Caire.
Les dirigeants musulmans ont encouragé la recherche scientifique et la diffusion du savoir :
Haroun Ar-Rachid (calife de 786 à 809) imposa l'usage du papier dans toutes les administrations de l'empire. Sous l'administration de ses vizirs barmécides, Bagdad devint la capitale intellectuelle de son époque. Des écoles et des bibliothèques furent construites. Il fut aussi l'un des artisans d'un dialogue avec Charlemagne (Byzance à l'époque fit tout pour l’empêcher).

Haroun Ar Rachid reçoit les ambassadeurs de Charlemagne
Al-Mamun, calife de 813 à 833, avait réuni à Bagdad des savants de tous horizons, quelles que soient leurs croyances. Féru d'astronomie, il crée en 829, dans le quartier le plus élevé de Bagdad, près de la porte Chammassiya (du Soleil), le premier observatoire permanent au monde, l'Observatoire de Bagdad, permettant à ses astronomes, qui avaient traduit le Traité d'Astronomie du grec Hipparque, ainsi que son catalogue d'étoiles, d'étudier le mouvement des astres. En 832 fut fondée la Maison de la sagesse (Baït al-hikma). Mamun lance aussi la traduction du grec vers l'Arabe de Hypocrates, Galien, Ptolémée, Euclide, Platon et des Stoïques.



Au, IXe siècle, le persan Al-Khawarizmi, écrit le premier livre sur l'algèbre, Hijab al-jar w'al-muqabala, et fonde du même coup cette discipline. Il introduit et répand l'usage des chiffres que nous utilisons aujourd'hui (on les qualifie depuis d'arabes bien qu'ils soient en fait originaires d'Inde). Sa principale contribution directe à l'astronomie sera le livre Sindhi zij, basé sur l'astronomie hindoue, dans lequel il établit des tables sur la position du Soleil, de la Lune et des planètes, et étudie toute une série de sujets comme les éclipses ou la visibilité de la Lune.
Al-Razi (865-925) fut un savant pluridisciplinaire persan qui a énormément contribué dans les domaines de la médecine, l'alchimie et la philosophie.
Fût l'objet de nombreuses critiques pour son opposition à l'aristotélisme et sa libre-pensée vis-à-vis de la religion surtout, le fondateur du premier hôpital. Il fit des découvertes pour le traitement de la Rougeole, des allergies, etc...

Abu Rai han Al-Bîrunî calcule le diamètre de la Terre, et affirme que la Terre tournerait sur elle-même, reprenant les écrits d'Ératosthène d'Alexandrie (IIIe siècle av. J.‑C.).
En 994, l'astronome Al-Khujandi, originaire de l'actuel Tadjikistan, construit un énorme sextant mural à l'observatoire de Ray près de Téhéran, le premier instrument permettant des mesures plus précises que la minute d'arc. Il l'utilise en particulier pour déterminer une valeur plus fine de l'obliquité de l'écliptique.
Al-Battânî, en Syrie, va ainsi déterminer la durée de l'année solaire, la valeur de la précession des équinoxes et l'obliquité de l'écliptique. Il en profite également pour établir un catalogue de 489 étoiles. Son ouvrage principal, Kitab al-Zij, introduit pour la première fois la trigonométrie dans l'étude de la sphère céleste. Ce livre sera traduit en latin au XIIe siècle et influencera beaucoup les grandes figures européennes des XVIe et XVIIe siècles comme Jean Kepler.

L'ingénieur Al-Djazari (1136-1206), le léonard De Vinci arabe, invente :
les pompes hydrauliques, machine hydraulique automatique, l’arbre à came, l’un des premiers "ordinateurs" du monde, un calculateur analogique, le robot (la serveuse de thé), La manivelle, L’hydraulique reliée à l'horlogerie, La pompe aspirante à double effet automatique( qui est une partie du moteur à vapeur à notre ère).
Il écrit, La conciliation entre la science et l'action, utile dans l’industrie mécanique «Al-jami’ bayna al-Ilm wal al ‘Amal al-Naïf’ fi Sina’ati al-Hiyal». Dont la rédaction a été commanditée par le roi Nasser Eddine Mahmud.



Omar Khayyâm poète, arithméticien et directeur de l'observatoire d’Ispahan, va être surtout connu pour ses poèmes.













La langue arabe, commune à tout l'empire, a également été un facteur déterminant dans la diffusion des connaissances et de l'élan scientifique. D'autres sciences tels que la botanique, l'optique, la chimie, vont être aussi développée.




2) Quelques détails sur Bagdad

A Bagdad, surnommée la cité de la paix (Madīnat as-Salām), il y avait d'importants échanges culturels du monde entier : Inde, Andalousie, Perse, Chine...
Les contes des mille et une nuits qui y furent écrit montrent ce brassage des cultures, car ils s’inspirent de légendes de la plus parts des pays d'Asie et du monde Arabe. Aladin est une légende Chinoise, et Simbad le Marin est Indien.

En, l'an mille, Bagdad, comme plein d’autres capitales musulmanes, avait un système de canalisation moderne, des rue éclairée la nuit, une administration, un observatoire astronomique, des Hôpitaux et sa population atteignait le million d'habitants.



Cette prospérité était assurée par une agriculture efficace se basant sur la technologie des qanât, principalement développé en Iran.
Les qanâts étaient des systèmes d'irrigation souterrain permettant de récolter les eaux d'infiltration Le but est d'apporter l'eau à la surface où elle peut être utilisée pour l'irrigation des terrains agricoles. Il consiste à créer des sources artificielles en creusant des galeries en pente très faible qui vont rejoindre la nappe. L'eau suinte le long des parois et forme un ruisseau permanent.











Toutes ces qualités développées par le monde musulman, auraient sans aucun doute grandement amélioré le monde Chrétien et résout certain problèmes dans l'agriculture ou la santé. Mais tout cela n'intéressait pas les occidentaux. Seuls les épices, l'or et la soie transitait par tonnes dans les cales des galères vénitiennes.

Les croisades firent de Venise la seule liaison entre l'orient et l'occident, à l'exception dans une bien moindre mesure de Gènes et Pise, pendant plus de 400 ans.
Par conséquent, seul l'argent en tant que tel fut la base des échanges. Et non la science, l'art, le théâtre, la philosophie, les techniques agricoles, etc...Rien de tout cela ne fut transmis à l’Europe qui en avait grandement besoin à ces moments-là.

De l'autre côté le monde arabe, sans perspectives, s’enlisât dans des querelles de succession entre sultans et cessa d'être aussi créatif qu'à ces débuts.






















C) Économie financière : les échanges commerciaux et monétaire.

1) La spéculation sur les taux de changes, endettement des états, et dépenses publique


Depuis l'époque de Charlemagne, pour faciliter les transactions de faible valeur, la monnaie était faite de métal d'argent.
En 1252, florence et gènes ayant des exports égaux à leur import
En Europe comme en Asie, décident de créer respectivement le florin et le ducat, avec de l'or. Mais très vite en 1284, Venise elle aussi se met à battre monnaie en créant la monnaie du Doge : le ducat de Venise.

Florin Ducat
Pièce d'argent

Venise imposât très vite de ducat comme standard des échanges. Établit à 3,5 grammes d'or. La chose fut rendu facile grâce au monopole du commerce exercé par Venise. Suite à cela, toute l’Europe va suivre et créer ses deniers or. Et comme les pièces d'or les plus reconnues à l'époque étaient les pièces italiennes, le florin et le ducat deviennent le standard des échanges.
Ainsi, l'écu aura sa valeur fixée en France à dix sous, c'est à dire que l'or avait dix fois la valeur de l'argent. C'est dire que l'or était rare pour l'époque.
On continuait donc à utiliser des pièces d'argent et des pièces d'or. Ce système selon les historiens porte le nom de système bimétalliste.











Selon Jean Favier :
« Dès les premières expériences de bimétallisme, les spéculateurs occidentaux s'avisent que le rapport de l'or à l'argent sur la place d'Alexandrie, qui est l'une des principales portes de l'orient, favorise ceux qui exportent vers l’Égypte de métal argent et qui importent de l'or vers l’Europe occidentale[...]Le Changeur florentin Lippo di Fede del Sega n’emmagasine pas moins de 2300 florin en argent métal de juin 1317 à mars 1318, pour les mettre ne circulation quelques mois plus tard, après une légère hausse des cours.[...] Le système donne donc prise à la plus grave des spéculations, celle qui profite des déséquilibres et, partant, les aggraves ».


Alexandrie

A partir de la décennie 1320, de grandes manœuvres financières s’étaient mises en place : on observa d’énormes fuites d’argent outre-mer, qui bouleversèrent l’équilibre de l’Europe vers la moitié du XIVème siècle, selon Braudel.

Comme on le sait, Venise était la principale, sinon la seule porte vers l’Orient. La quantité de métal blanc européen exporté en Orient, par Venise, entre 1325 et 1350, équivalait probablement à 25% de tout l’argent exploité dans les mines en Europe.
L’exportation vénitienne vers l’Orient « créa des problèmes chroniques pour la balance des paiements, y compris en Angleterre et en Flandre » et posa de graves problèmes pour le règlement des échanges. La France fut vidée de ses pièces d'argent.








Le directeur de la Monnaie du roi Philippe VI de Valois calcula qu’au moins 100 tonnes du métal blanc étaient exportées « vers la terre des Sarrasins », les meilleurs partenaires commerciaux de Venise.

Plus en plus de navires « quittent Montpellier chargés d'argent en sacs et mêmes les ordonnances royales sont impuissantes à enrayer le phénomène. Un tel mouvement raréfie l'argent métal et par conséquent la menue monnaie disponible dans la vie courante. »

Entre 1250 et 1350, les financiers vénitiens mirent sur pied une structure de spéculation mondiale sur les monnaies et sur les métaux précieux qui rappelle par certains aspects l’immense casino moderne de « produits dérivés ». Les dimensions de ce phénomène dépassaient de très loin la spéculation plus modeste sur la dette, sur les marchandises et sur le commerce des banques florentines.
Selon Favier : « c'est l'asphyxie. Force est au gouvernement de dévaluer la monnaie de compte, autrement dit de hausser le cours des espèces d'argent. L'instabilité aggrave l'insuffisance. Les changeurs voient alors croitre leur rôle. Ne sont-ils pas à la foi conseillers et spéculateurs, capables d'influencer le roi et d'informer la clientèle ? »
Les banques vénitiennes pouvaient paraître plus petites et moins présentes que celles de Florence, mais en réalité elles disposaient de plus grandes ressources pour la spéculation. L’avantage résidait dans le fait que l’empire vénitien agissait comme un organisme unique, poursuivant ses propres intérêts non seulement à travers la banque, mais aussi le commerce, la diplomatie et l’espionnage. A cette époque, le commerce vénitien au loin se faisait au moyen de navires bâtis par le pouvoir vénitien, escortés par des convois navals bien armés, où tout était décidé par les organes de l’État, et on accordait aux marchands une participation. Le pouvoir de l’État centralisait également les activités de frappe de la monnaie ainsi que de trafics de métaux précieux.
La documentation présentée par Frederick Lane indique que, pas plus tard qu’en 1310, les métaux précieux et la monnaie constituaient déjà le commerce principal des Vénitiens.
Deux fois par an, partait de Venise un « convoi des lingots » composé de 23 galères, armées et escortées à grand frais, qui naviguaient jusqu’à la côte de la Méditerranée orientale ou l’Égypte. Chargés principalement d’argent, les navires retournaient à Venise, transportant de l’or sous toutes ses formes : pièces de monnaies, lingots, barres, feuilles, etc.
Les profits de ce commerce étaient bien plus grands que ceux venant de l’usure en Europe, même si les Vénitiens ne se privèrent pas de cette deuxième activité. Des documents de l’époque nous montrent que les financiers vénitiens instruisaient leurs agents à bord des convois d’obtenir un profit minimum de 8% pour chaque voyage de six mois, ce qui signifie un profit annuel de 16% et probablement en moyenne de 20%.



Le célèbre discours du doge Tommaso Mocenigo illustre l’enrichissement fabuleux de Venise. Il déclara que le capital investi dans le commerce était de 10 millions de ducats l’an. Ces 10 millions rapportent, cite Braudel, « outre deux millions de revenu du capital, un profit marchand de deux millions. Les retours du commerce au loin sont ainsi à Venise, selon Mocenigo, de 40%, taux fabuleusement élevé (...). »

Venise battait chaque année 1 200 000 ducats d’or et 800 000 ducats d’argent, dont 20 000 allaient annuellement en Égypte et en Syrie, 100 000 sur le territoire italien, 50 000 outre-mer et encore 100 000 en Angleterre et autant en France.

Ce « succès » fut le résultat de l’usure érigée en « religion d’État ». A partir de la moitié du XIIème siècle, l’or oriental était pillé par les Mongols en Chine (qui jusque-là avait possédé l’économie la plus riche du monde) et en Inde. Autrement, il était extrait de mines au Soudan et au Mali pour être vendu aux marchands vénitiens en échange du métal blanc européen tout à fait surévalué. Cet argent, provenant de mines en Allemagne, en Bohème et en Hongrie, était vendu de plus en plus exclusivement aux Vénitiens qui payaient en or. Les pièces non vénitiennes commencèrent à disparaître, tout d’abord dans l’empire byzantin au XIIème siècle, puis dans les domaines mongols et enfin en Europe au cours du XIVème siècle. Marchands et financiers vénitiens pouvaient compter sur des profits allant jusqu’à 40% par an sur des investissements à brève échéance (semestriels) et cela dans le contexte d’une économie mondiale où le profit réel, à savoir le « surplus » productif, atteignait dans les meilleurs cas les 3 à 4%.
Par ailleurs, les activités bancaires des florentins, qui étaient comme une sous-catégorie des manipulations financières vénitiennes, engendraient des taux de profit certes inférieurs à ceux de Venise, mais néanmoins suffisamment élevés pour miner la base productive de l’économie réelle.




Prenons l’exemple de l’Angleterre : de 1300 à 1309, elle importa 90 000 livres sterling d’argent pour la frappe, mais 30 ans plus tard, de 1330 à 1339, elle réussit à en acquérir seulement 1000. Mais pendant toute cette décennie, aucune pénurie d’argent ne fut enregistrée à Venise. Les banquiers florentins, avec leur florin d’or eurent toute latitude pour spéculer.
Néanmoins, durant la période 1325-1345, il y eut renversement de la situation. Le rapport entre le prix de l’or et celui de l’argent commença à chuter, passant de 15 pour 1 à 9 pour 1. Au moment où le prix de l’argent remontait, après 1330, l’offre était énorme à Venise. En 1340-50, « l’échange international de l’or et de l’argent s’intensifia considérablement », qui documente en outre une nouvelle envolée des prix des biens.
Les banquiers florentins se retrouvent du coup piégés. Tous leurs investissements sont en or, alors que le cours du métal jaune est en chute libre.
Après l’écroulement de l’or provoqué par les Vénitiens avec leurs nouvelles pièces de monnaie, les Florentins ne firent de même qu’en 1334 lorsque c’était trop tard, le Roi de France attendit 1337 et le roi d’Angleterre 1340 avant de lancer la malheureuse tentative que nous avons mentionnée.
Selon Lane : « La chute du prix de l’or, à laquelle les Vénitiens avaient résolument contribué par d’importantes exportations d’argent et importations d’or, en en tirant des profits, fut néfaste pour les Florentins. Bien qu’ils fussent les dirigeants de la finance internationale (...), les Florentins ne furent pas en mesure, contrairement aux Vénitiens, de tirer avantage des changements qui eurent lieu entre 1325 et 1345. »

Les superprofits de la Sérénissime dans la spéculation globale continuèrent jusqu’aux désastres bancaires et à la désintégration du marché qui se produisirent en 1345-47 et au cours des années suivantes.

Ainsi, la production des biens les plus importants en Europe était sérieusement affaiblie, et la circulation de la monnaie désorganisée des décennies avant le krach de 1340 à cause des banques qui semblaient faire beaucoup de profits.




















2) l'effondrement financier, social, et culturel

Certaines banques toscanes, les Asti de Sienne, les Franzezi et les Scali, étaient déjà en faillite après les années 1320. Les Peruzzi, les Acciaiuoli et les Buonaccorsi travaillaient dans les années 1330 à perte et se dirigeaient vers la banqueroute suite à la chute de la production des biens de première nécessité dont ils avaient obtenu le monopole, mais qui était dévorée par la spéculation financière.

Les Acciaiuoli et les Buonacorsi, qui avaient été les banquiers des papes avant le déplacement à Avignon, finirent en banqueroute en 1342, à la suite de l’insolvabilité de Florence et des premiers moratoires d’Edouard III.

« Les Bardi réclamaient une dette supérieure à 180 mille marks sterling. Et les Peruzzi plus de 135 mille marks sterling, qui (...) ensemble faisaient un total de 1 350 000 florins d’or - soit la valeur d’un royaume. Cette somme comprenait de nombreux approvisionnements que le roi leur avait versés par le passé. »

Les Peruzzi et Bardi, les plus grandes banques du monde à l’époque, s’écroulèrent en 1345, provoquant le chaos des marchés financiers de la Méditerranée et de l’Europe.
Suite à ce défaut de payement, c'est tout le système bancaire européen qui s'effondra et avec lui toute la société. Les banques lombardes, les premières, causèrent un rétrécissement du crédit, ou crise de confiance, qui entrainât les banques Florentines, puis les États. Les taxes furent augmenté et les dépenses des états réduites.

Dans les même temps, la peste noire fit son apparition en Europe. De la Sicile elle
Remonta en France, puis en Flandre et en Allemagne.

Selon Jean de Venette observateur de l'époque : « les gens n'étaient malade que deux ou trois jours et mourraient rapidement. Celui qui aujourd'hui était en bonne santé était mort demain. »

Les médecins, peu éclairé sur le problème des virus, désignèrent comme cause le passage d'une comète. Les soins qui furent prodigué furent saignés, purgations, diètes.
Certains accusèrent les juifs qui furent massacrés par centaines. Ainsi, en l’absence de solutions, l'épidémie s’entend et emporte des millions d'Âmes.
A cela vint s'ajouter la guerre de cent ans qui mobilisa les états dans une guerre inutile
Au lieu de résoudre les problèmes réels auquel ils faisaient face.

Pour finir, suite à la chute des prix agricoles et à l'augmentation des taxes, les jacqueries qui n'était autre que des émeutes de la population face à un pouvoir de moins en moins responsable créèrent des soulèvements de la population contre leur dirigeants.
Du bas moyen âge on passât à l'âge des ténèbres.

« Les jaques allèrent à un château, prirent le chevalier et le lièrent fort. Sous ses yeux, ils tuèrent la dame enceinte, puis le chevalier et tous les enfants et brulèrent le château. Ainsi firent-ils en plusieurs châteaux et bonnes maisons. Chevaliers et Dames, écuyers et demoiselles s'enfuyaient partout où ils pouvaient. Ainsi ces gens, assemblé sans chef, brulaient et volait tout et tuait gentilshommes et nobles
Dames et leurs enfants sans miséricorde »
Jean de Venette

Carcassonne pendant la grande peste

Plusieurs hypothèses peuvent être émises sur les causes de cet âge des ténèbres, mais certains facteurs déterminants sont à mettre au premier plan pour établir un diagnostic correct.
La première cause porte sur les capacités de la société à anticiper sur les dangers inconnu tel que la peste, ou connu tel que les famines.
La deuxième cause porte sur les facteurs qui augmentent ou diminuent les capacités d'une société à anticiper sur ces dangers.
Ainsi, le but de ma démonstration était de montrer en quoi les croisades et le système d'usure sans limite tout deux liés au système vénitien, ont indéniablement diminuée les capacités de la société à anticiper sur les dangers connu et inconnu qui la menaçait. Tout cela à l'inverse d'un dialogue de civilisations qui aurait nécessairement augmenté ce potentiel.












Conclusion
Le système des croisades entre occident et orient ayant empêché un dialogue des civilisations a stoppé toute possibilité d'avancées dans les secteurs vitaux comme l'agriculture, la science, la médecine, et l'astronomie.
Et à l'inverse, c’est un système de rente spéculative sur les monnaies, les dettes des souveraines, les matières premières qui cancérisa toute la société.
Même si on peut accabler Venise d'avoir été la seule à avoir profité du crime, on ne peut pas nier le fait que la responsabilité est largement partagée avec l'ensemble des acteurs des deux côtés de la méditerranée.
Pourquoi ? bien qu'il y ait eu un lien étroit entre Venise et le monde musulman au moyen Age, les Vénitiens n’ont-ils pas eu l'idée de rapporter les arts et la science ? Et pas juste quelques bibelots, des tapis, un style architectural mais les écrits astronomiques, de la poésie, la science de la médecine ?

Venise fut le plus grand succès commercial du Moyen Age, une ville sans industrie, à la seule exception de la construction navale militaire, elle réussit à dominer le monde méditerranéen et à contrôler un empire simplement à travers des entreprises commerciales. Braudel note : « On disait du Vénitien : "Non arat, non seminat, non vendemiat" (il ne laboure pas, ne sème pas, ne vendange pas). Construite dans la mer, manquant totalement de vignes et de champs cultivés, ainsi le doge Giovanni Soranzo décrit-il sa ville, en 1327. »
Frederick Lane ajoute : « Les patriciens vénitiens étaient moins intéressés par les profits provenant de l’industrie que par ceux provenant du commerce entre les régions où l’or et l’argent avaient des cours différents ».


Alors que peut-on conclure sur ce qu'était le rôle de la Sérénissime durant le moyen âge. Quel a été son impact économique, politique, social? Quel fut sa tradition historique?

Il est important de ne pas sous-estimer ou sur estimer son rôle. Néanmoins, il est indéniable, que son poids politique, social, culturel, et surtout économique était probablement un des plus influent de la société féodale.
Du fait qu'une poignée de familles détienne en sa possession les liens politiques, économiques, culturels de tout l’Europe, du monde arabe, ainsi que de l'Asie ne doit laisser personne dupe. L'observateur contemporain ne peut faire l'aveugle sur le fait qu'une telle concentration de pouvoir ait put être recherchée et même utilisée de différentes manières par ceux qui en avait le contrôle au fil des siècles.

Venise à telle donc organisé les croisades pour accroitre son pouvoir ?

Il est évident que, pour ce qu'il en est de la première croisade, Venise ne fut pas l'instigatrice car elle n'y avait pas intérêt. Elle y a même été plutôt réticente. Mais l'erreur humaine fut fatale. Ce contexte de conflit de civilisation permit à Venise de se maintenir comme seul lien entre l'orient et l'occident.

Aujourd'hui, Venise, n'est qu'une destination touristique. La plus part des gens ne savent pas qu’elle eut été une force politique majeure à son époque.


Un dicton populaire dit pourtant bien: c'est l'agent qui dirige le monde. Et au moyen âge, le monde de l'argent ce réunissait sur Le pont du Rialto.

Et ainsi à Lucien Fabre de conclure:" Que Venise paraisse être et trompe son monde, c'est une chose. Quelle l'ai voulu, cela en est une autre.[...] la préoccupation régnante de Venise c'est la prospérité matérielle; la préoccupation dominante c'est le plaisir sensuel. Venise, le port et le bordel de l'Europe. Et tout le monde a suivi. Bassesse contagieuse de Venise."

Cet ami de Jean Jaurès et collaborateur d’Albert Einstein ne s'y trompai pas. Venise bien qu’elle ait brassée des milliards, transportée des tonnes de marchandises, n’a rien crée." Que de l'impression, des faux semblants, de l'image. ville de mirage et de songe. ville d'apparence. Ville fantôme."

Faire du commerce qu'y a-t-il de mal à cela après tout?
Mais quel pouvoir laisse-t-on à ceux qui sont en position de domination sur le commerce ? Quel pouvoir laisse-t-on à ceux qui peuvent décider qui peut être un grand banquier, qui ne le sera pas? Quel Roi à de la valeur quel roi n'en a pas? Qu'est ce qui rapporte qu'est ce qui ne rapporte pas??

Il est important de préciser aussi que les milliards générés par les spéculations n’étaient évidemment que très peu réinvesti.

Une chose est sûre, c'est que l'ensemble de l'économie du moyen Âge était centré sur ce système. Venise a été le catalyseur de la folie de l'époque, plus qu'une main manipulatrice. C'est la faillite de tous qui a généré cet engrenage infernal.
Et ce modèle n'a rien crée, ni grand écrivain, ni grand peintres, ni d'idées fondamentales.
Titien, Canaletto, Monteverdi, Galilée et plein d'autres, n'ont même pas été de vénitiens pure souches.

C'est ainsi que les mots domination, monopole, avarice, ignorance, manipulation, mensonges, sont devenu à Venise synonyme du mot Sérénissime.

Mais peut ton en vouloir aux vénitiens d'en avoir profité ?
Ou doit-on comprendre que nous pouvons être capables de faire les mêmes erreurs aujourd'hui ?

Considérons-nous la richesse de la même façon que les Vénitiens ? Une véritable redéfinition de la valeur économique est-il le préalable à un dialogue des civilisations ?

Les doctrines de conflits de civilisation sont jours après jours réitéré contre l'Iran, la Syrie, La Chine, et la Russie Aujourd’hui comme hier la question qu'on peut se poser c'est : à qui profite le crime ?

Tandis que les Saoudiens et les financiers occidentaux fraternises dans les paradis fiscaux : l'Iran et les États-Unis s'entre déchirent à coup de sanctions et de menaces de guerre.
Au lieu de développer des coopérations industrielles, ou dans le domaine du nucléaire
Comme ce fut le cas lors de la création du programme atoms for peace.
C'est au contraire les financiers qatari, londoniens et new-yorkais qui se font des
Milliards sur la flambée des prix du pétrole.

Le 21ème siècle sera-t-il pire que le 14ème ?
L'occident tel un mauvais élève qui triche va-t-il empêcher les autres de progresser ?


Suite à la prochaine partie........







sources/inspirations

Élisabeth Crouzet-Pravan : Venise Triomphante les horizons d'un mythe

Jean Favier : De l'or et des épices naissance de l'homme d'affaire au Moyen Age.

Citations de Paul Gallager « comment Venise orchestra le plus grand krach financier de tous les temps » à la lumière du livre de Frederick C. Lane, Money and Banking in Medieval and Renaissance Venice (Baltimore, John Hopkins University Press, 1985),

Amin Maalouf:- les croisades vues par les musulmans
- Sarmacande

Les écrits de Lyndon Larouche:-alors vous voulez tout savoir sur l'économie ?

François Icher : la société médiévale codes rituels et symboles